Celle qui a 40 ans

6h45, le réveil sonne. Comme tous les matins, de toutes les semaines, je me lève, le sommeil encore collé au pyjama. Passage par la salle de bain, pause technique, un peu d’ordre dans les cheveux, eau froide sur le visage, et le grand bal du matin commence.
Je prépare les petit-déjeuners de la maisonnée, chacun son bol, des céréales différentes, des boissons préférés: thé, chocolat, café… Faire la tournée des chambres et tenter de réveiller le plus doucement possible tout mon petit monde.

Avoir la chance d’être la première a voir leurs visages, a entendre leur premiers mots de la journée « Hummmmmmmm pas maintenant », « encore 5 minutes », « sors de ma chambre ». Commencer à manger seule, regarder l’heure et déduire qu’encore une fois, que je vais arriver en retard. Je rognerai sur la pause du midi pour rattraper.
Pour la première fois crier: « s’il vous plait, debout » puis passer rapidement dans la salle de bain histoire d’avoir une tête présentable au travail.
Demander pour la énième fois que tout le monde se lève et ravaler les mots qui veulent s’échapper de mes lèvre « bougez-vous, bord** de put** de mer** ».
Je finis de me préparer, je suis à l’heure. Mais j’attends les autres, je dois les déposer au collège, au lycée, au train ou ailleurs. Après femme de chambre, je me transforme en taxi.

Enfin on décolle, 20 minutes dans la vue, les bouchons, j’encaisse le regard de travers de ma collègue qui va s’empresser d’aller baver dans le couloir a quel point je suis peu organiser car elle, super Nadine, arrive en temps et en heure tous les matins même avec 3 enfants. Là encore le « ta gueu** péta*** », meurt avant d’avoir vu le jour.
Mails, dossiers, papiers, photocopieuse, imprimante, dead-line, asap, urgence, ponctuent la journée.
Je fais la liste des choses qui me restent à faire: récupérer les enfants, les déposer aux activités ou à la maison, faire les courses, passer à la gare pour récupérer mon mari, ranger les courses, faire à manger, vérifier les devoirs, lancer une lessive, l’étendre avant qu’elle sente le champignon, donc avant 22h si possible, ranger un peu, prendre ma douche et enfin espérer aller me coucher.
Il est 18h00, je consulte une dernière fois mon portable, juste 5 sms, mon père, ma mère, mon frère et 2 amies. J’ai le cœur en miette, je ravale mes larmes, redresse la tête et quitte le bureau.

Pour moi aujourd’hui n’est pas un jour comme les autres. Visiblement pour eux c’est un jour classique. Aujourd’hui j’ai 40 ans. Ils ont oublié.
Alors je décide que je ne m’oublierai plus. Ce soir, je ne rentre pas, les enfants se débrouilleront pour rentrer, mon mari utilisera ses jolis souliers pour remonter de la gare, ils commanderont des pizzas, tout ça m’est égal. A partir de maintenant je pense à moi.
Je réserve un table dans ce nouveau restaurant que je rêvai d’essayer, je me prends une chambre dans un hôtel 4 étoiles du centre ville et je consulte le programme du cinéma.
Je ne prendrai plus mes rendez-vous chez le coiffeur en fonction de l’heure du cours de danse, ou de l’heure d’arrivée du train. Je n’achèterai plus mes vêtements en grande surface histoire de gagner du temps, je ne passerai plus mes weekends à faire le taxi ou le ménage. La machine-outil multifonction est maintenant hors service. Je me suis mise de côtés pendant presque 15 ans, maintenant je vis pour moi.
Tout à coup je me sens bien. Cette simple décision me soulage.
Je reçois un sms « mon train a 10 minutes de retard, attends-moi au même endroit que d’hab. Penses à prendre du cirage, A+ ». Je souris, je ne réponds même pas.
Je monte en voiture, monte le son de l’autoradio à fond, détache mes cheveux et part faire du shopping.

Je suis celle qui a 40 ans et qui recommence à vivre aujourd’hui, et putain, ça fait du bien.

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